En pédodontie, les soins peuvent se transformer en une séance ludique, où l’imaginaire occupe une place importante. On peut utiliser des métaphores pour désigner les instruments, inventer des histoires pour focaliser l’attention du jeune patient, et le dissocier de l’environnement médicalisé.
A la première séance, le petit Maël, 8 ans, arrive avec le visage sombre et peine à s’installer, agité et tendu, sur le fauteuil. Il m’est adressé par un confrère thérapeute car il a développé une phobie du dentiste, et ses parents, impuissants, ont baissé les bras jusqu’à ce que ses douleurs deviennent insupportables. Ses sens sont en alerte, il interprète la moindre sensation en terme de douleur, bougeant, gémissant, pleurant alors qu’il est juste question de réaliser un examen.
Je bifurque, d’abord en adaptant mon langage au sien, pour lui demander de me parler de son école, de ses passions, dont la musique, qu’il pratique au conservatoire : je dessine sur un tableau imaginaire avec mon doigt une portée musicale avec sa clé de sol et lui demande de deviner la note que j’y écris. Son attention est captée, il rentre dans ma proposition de jeu et hallucine, le regard fixe. L’intervention a consisté tout d’abord à établir une ambiance d’écoute et de compréhension, permettant d’expliquer tranquillement la nécessité des soins, et d’établir un contact positif, de le distraire de ses pensées négatives, de suggérer la facilité et le confort par saupoudrage.
A la deuxième séance, dans la salle d’attente, je l’ai vu jouer avec sa console de jeux. Après avoir commencé par un exercice respiratoire, je lui ai proposé de partir en imagination dans sa chambre, et de faire exactement » comme si » il tenait avec ses deux mains devant lui sa console de NintendoDS, et de bien placer ses doigts sur les boutons de commande. Ses bras restent en l’air, comme figés, cataleptiques, pendant que je continue à lui décrire les différentes étapes de son jeu… Il était à la fois ici sur le fauteuil la bouche ouverte, et là-bas, à l’abri, et dans un état d’esprit serein.
En dirigeant son attention vers une expérience intérieure confortable, il a pu se concentrer sur des sensations agréables, et en quelque sorte « oublier » tout ce qui aurait pu le gêner, en restant dissocié. Progressivement, j’ai pu réaliser les soins conservateurs dont il avait besoin (plusieurs pulpotomies et obturations), sans qu’il s’en soucie le moins du monde.
Tout comme sa peur d’un danger imaginaire ou anticipé était capable de produire des réactions corporelles (pleurs, rougeurs, tachycardie, tension musculaire…), l’imagination d’une scène de jeu où il pouvait se sentir en sécurité a eu l’effet inverse. En hypnose, on utilise juste ce que le patient sait faire : si il savait se rendre malade tout seule, juste par des idées, alors il avait nécessairement les capacités d’apprendre à utiliser son imagination pour se détendre.
A chaque séance désormais, il saute littéralement sur le fauteuil avec un grand sourire et l’induction ne prend que quelques secondes… Et c’est une véritable satisfaction de pouvoir sauver ses dents, tout en lui ayant permis d’évoluer pour sa santé future…