Dans l’approche utilisationniste, il convient tout d’abord d’identifier, puis d’accepter la personnalité et le comportement du patient : de comprendre comment il construit son problème. Enfin, son attention va être focalisée sur un de ces aspects singuliers (douleur, anxiété, colère, narcissisme) qui est utilisé comme élément significatif de la procédure d’induction, de manière à le guider vers une recherche intérieure et une dissociation. D’après E. Rossi, il est nécessaire d’entreprendre une étude clinique poussée du patient pour déterminer ses mécanismes mentaux dominants et le moyen de les intégrer dans un paradigme hypnotique en 3 étapes :
- chercher comment les mécanismes mentaux et les processus associatifs spécifiques d’un patient peuvent être utilisés pour créer un méthode d’induction «sur mesure»
- déterminer comment ces mécanismes peuvent faciliter l’expérience de tous les phénomènes hypnotiques classiques
- déterminer en quoi cet entraînement hypnotique peut aider le patient à trouver la solution appropriée à son problème.
L’hypnose est alors conçue comme une expérience naturelle se produisant de manière routinière. Une des tâches d’un clinicien compétent est de reconnaître les réponses hypnotiques qui interviennent naturellement au cours de l’interaction thérapeutique, et de construire à partir d’elles de manière spontanée et conversationnelle. Ceci signifie que, juste en parlant au sujet, l’hypnothérapeute est capable de combiner son attitude non-verbale avec ses paroles pour court-circuiter l’esprit critique et implanter des idées de changement. Toute l’efficacité réside dans le fait que le sujet ne sait pas qu’il reçoit des suggestions et que ses défenses critiques ne sont pas activées. On peut utiliser la technique du « comme si… », qui permet un travail analogique sous l’apparence d’un aparté. Un moyen de susciter une dissociation discrète est de poser des questions de manière à saturer le système perceptif VAKOG, en demandant de nombreuses précisions (sur le travail, les loisirs, les passions du sujet), tout en abaissant progressivement le rythme respiratoire. On peut aussi évoquer des métaphores de manière incongrue : « je ne sais pas pourquoi je pense à ça… » (rupture de cadre, non sequitur, coq à l’âne…).
De plus, il est nécessaire d’organiser le processus hypnotique autour de la singularité du patient, en adaptant les approches à son style subjectif de penser et de se comporter. Cette approche cherche à susciter chez le patient des images, un dialogue interne, des sensations et des comportements qui sont significatifs personnellement et utilisés comme base de l’induction et de la thérapie. Les instructions y sont plus permissives, indirectes, non spécifiques et individualisées. Les stimulus pour l’expérience hypnotique sont les associations inconscientes (cognitives, sensorielles ou émotionnelles) que le clinicien déclenche chez le sujet à travers ses communications. Parler des problèmes que le patient a amené, raconter des histoires instructives qui sont proches de son expérience, et se comporter de manière inattendue en gardant en vue l’objectif thérapeutique, sont trois moyens de s’assurer l’attention du patient. Alors que l’attention du patient est fixée, le clinicien peut commencer à construire sur la base des réponses observées : en les reconnaissant puis en suggérant que ces réponses peuvent être utiles à élargir graduellement la capacité de résolution de problème. Quand le clinicien remarque des signes phénoménologiques de l’hypnose s’installer, il peut commencer à engager son patient dans le processus d’induction et d’approfondissement à travers des techniques naturalistes.
La transition de la conversation de routine vers l’induction est ainsi plus subtile, et non annoncée. Tout ce que le patient fait à ce moment est accepté et utilisé comme une partie du processus, avec le message implicite que « ce que vous faites maintenant est ce qui va vous permettre d’approfondir votre expérience par la suite… ». Les comportements qui semblent résistants sont acceptés et utilisés comme base des suggestions à venir, ce qui les redéfinit comme des réponses utiles. Changer délibérément le ton de sa voix, de posture, le regard ou le rythme respiratoire ou toute autre communication analogique tout en évoluant vers l’induction peut servir comme association potentielle d’entrée en hypnose pour des futures expériences (ancrage de réinduction). Un moment privilégié pour utiliser cette forme d’hypnose est juste après la sortie de la transe, car cela correspond à une phase d’hyper-suggestibilité pendant laquelle on peut renforcer l’effet des suggestions thérapeutiques.